“La Corse, nouvelle Silicon Valley ?”, c’est la thématique du dernier magazine de la rédaction de RCFM auquel le directeur de la transformation et de l’aménagement numérique, Eric Ferrari, a participé le mercredi 6 mars 2024.
Quand on parle d’intelligence artificielle, de quoi parle-t-on exactement ? Des éléments de réponse sont apportés par Paul-Antoine Bisgambiglia, chercheur, maître de conférence à l’université de Corse : “Ça date déjà des années 60 et avec une philosophie forte à l’époque : essayer de permettre à des machines de raisonner comme l’être humain. Et donc derrière, c’est effectivement des lignes de code, des processeurs particuliers, surtout pour ce qui s’appelle aujourd’hui le, l’apprentissage profond (deep learning, ndlr). Et l’IA c’est également – et surtout – beaucoup, beaucoup, beaucoup de données”.
Le changement de paradigme dans le numérique est donc arrivé il y a une quinzaine d’années selon le chercheur, “avec les réseaux sociaux et toute cette partie qui émerge de d’internet et du web ; on a mis de plus en plus d’image et de texte à disposition d’entreprise et c’est sur cette base de grandes quantités de données que sont développées la plupart des applications et des méthodes qui sont aujourd’hui popularisées”.
Un vivier tech en Corse…
Il existe, depuis de nombreuses années en Corse, des dizaines d’entreprises de la tech, qui évoluent assez discrètement, mais tout aussi sûrement. Ce vivier d’entreprises s’est regroupé pour monter l’EDIH Corsica AI, une structure soutenue par la Commission européenne et la collectivité de Corse : “Elle est là pour les PME, les TPE, les organismes publics dans un cadre d’accompagnement par exemple. Pour un projet en lien avec l’IA, nous pouvons être une structure un peu clef qui va et orienter et proposer une gamme de services”, explique Faustine Emmanuel, porte-parole de Corsica AI, “l’idée, c’est pas d’imposer des technologies sur lesquelles on a l’impression de pas avoir de prise ou qu’on ne comprend pas. Ce qui poserait, en l’occurrence, des problèmes d’acceptabilité. L’idée c’est vraiment de partir d’un problème que l’utilisateur va pouvoir verbaliser, on va pouvoir vraiment cadrer et apporter des solutions à ce problème précis. Tout ça en transmettant des compétences sur le long terme, en permettant à l’utilisateur d’en comprendre les limites et les bénéfices”.
… et un fort potentiel
“Un potentiel de développement économique existe dans le secteur du numérique parce que c’est un secteur qui est exportable facilement et qui donc permettra de s’adresser à une zone de chalandise beaucoup plus large”, assure Benjamin Pereney, responsable d’Aflokkat, un organisme de formation privée qui vient de lancer MIRA, une école d’ingénieur en robotique et informatique en Corse qui accueille quelques 160 personnes dans des formations diplômantes : “nous, on fait le choix de créer une école d’ingénieurs, l’université de Corse propose des formations dans le domaine du numérique également. Mais je pense qu’élargir l’offre de formation dans ce domaine-là, peut vraiment être un élément d’attractivité, de dynamisation de l’économie dans ce secteur-là”, s’enthousiasme Benjamin Pereney, **“toutes proportions gardées, rappelons que sans Stanford il n’y aurait pas eu la Silicon Valley. Aujourd’hui sans formation, il ne peut pas y avoir de développement économique. Je pense qu’il faut atteindre une masse critique de personnes formées sur un territoire pour pouvoir espérer avoir un développement économique”, conclut le responsable d’Aflokkat.
Une révolution qui inquiète
On se souvient de la grève qui a secoué le monde des scénaristes à Hollywood, des craintes exprimées par les doubleurs de cinéma. L’intelligence artificielle n’est pas sans risque : “il y a des études assez sérieuses, faites par de gros cabinets de Conseil aux États-Unis, qui disent qu’à peu près 15% des tâches de 70% des métiers vont être impactées par l’intelligence artificielle et notamment les IA génératives”, avance le chercheur Paul-Antoine Bisgambiglia. Et une récente étude montre qu’en France aujourd’hui 32% des employés de bureau se servent des nouveaux outils. Et c’est la solution, selon l’enseignant : apprendre à travailler avec l’IA et cela vaut aussi pour les étudiants : “ça va changer beaucoup de choses pour l’enseignement. Par exemple : faire une synthèse, et bien Chat GPT (IA générative d’OpenAI, ndlr) est très fort pour faire une synthèse de documents, donc il va y avoir des modifications pédagogiques pour répondre à ces nouveaux usages et qui, bien utilisés, peuvent être un vrai gain de productivité”.
“L’”IA Act” européen (adopté en fin d’année dernière) donne une tonalité intéressante à l’approche Intelligence Artificielle puisqu’elle met en avant les principes éthiques qui concernent la transparence de ces modèles et des principes de non-discrimination“, ajoute Eric Ferrari directeur de l’aménagement numérique à la CdC, “et puis il y a des sujets, la santé notamment, sur lesquels il faut honorer un certain nombre de principes en Europe, notamment le respect des données personnelles. Aujourd’hui, si on n’y prête pas attention, les IA sont en mesure de collecter vos données personnelles pour en faire un usage non-transparent, dont vous ne connaissez ni les finalités, ni la façon dont ces données personnelles seront redistribuées. A nous, les pouvoirs publics d’être attentifs et vigilants, sans être obscurantistes”.
Réseaux physiques
En 2018, la collectivité de Corse (CdC) a signé une convention pour amener la fibre dans le moindre village, en dehors des agglomérations d’Ajaccio et Bastia. Une réussite selon Eric Ferrari, directeur de l’aménagement numérique de la CdC : “143.000 des 170.000 foyers prévus sont déjà raccordés à la fibre. Ce qui à mon avis est éloquent en matière de “fibrage” de la Corse et de ses foyers. Un projet qui sera mené à son terme d’ici la fin 2024”, précise-t-il. La collectivité qui poursuit son investissement dans le domaine : “nous avons acquis dernièrement un câble corse-continent supplémentaire entre Bastia et et Marseille. Il va apporter de la résilience à ces réseaux sous-marins dont la Corse a besoin pour la relier au continent”. Des réseaux essentiels au développement d’une économie numérique en Corse.
Réécouter l’intégralité du magazine de la rédaction d’RCFM, ici :
https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/la-corse-nouvelle-silicon-valley-9378950
Ecoutez, d’autres podcasts RCFM autour de l’intelligence artificielle :
“L’IA, entre réalité et fantasmes” : https://www.francebleu.fr/emissions/sapienza/ia-entre-realite-et-fantasme-4841412
“Sapienza – L’intelligence artificielle” : https://www.francebleu.fr/emissions/sapienza/rcfm/sapienza-55